PasSage Visuel Officiel 2013

PasSage Visuel Officiel 2013
Création: Eric Pelosato

mercredi 30 janvier 2013

Carnet 2 - Bago - Toungoo - Mandalay

Illustrations originales de Sarah TEULET,
réalisées d'après les textes et photos Basse définition.
Un superbe travail à distance.


 Carnet  2

Bago Toungoo et Mandalay
Yangoon-Mandalay : 600km entre le 14 et le 25 janvier + 600 km de rails dans un Train d’Avant guerre

600km cumulés depuis mon arrivée à Yangoon. La route chauffe la gomme des pneus. Je roule. Bago. Dans la foulée je joue le spectacle pour une centaine d’enfants d’une école : « Development of Youth ». Dans l’hôtel où je dors, ma guitare fait son effet et j’ai droit à un récital. J’enregistre à mon tour mais je garde ces sons comme autant de témoignages de ce voyage. Demain, j'enchaîne 180 km. Je monte vers Mandalay
Au milieu de cette Droite longue et relativement monotone, au territoire sec, je me vois offrir l’hospitalité par un jeune Mong. La nuit approche, je pose les sacoches. Le jeune Mong est en « stage initiatique » et me fait la visite des lieux. Pieds nus. Des cailloux, ça me chatouille la voûte plantaire tandis que lui chausse des tongs. Les Tongs de Mong ou les Mong en Tong, c’est injuste mais ça rime. Repas offert en compagnie des deux femmes chargées du nettoyage et d’une jeune fille, toutes trois au service du Maître. Cette nuit-là sera l’une des plus cocasses.
Soirée Mong-(thy Py)-Tong
 Notre apprenti Mong est donc en formation auprès d’un Père Mong qui possède ce mini monastère : trois petits temples (trois bonnes petites salles de répétition) dont l’un lui est consacré, photos de sa Seigneurie sur l’autel. L’une le représentant debout et droit comme un I, visage découvert ; l’autre debout et plutôt plié comme un A vu l’âge et le visage caché. Le vieux bonhomme, cigarette à la bouche et en robe traditionnelle rouge, est enclin à me recevoir et se laisse photographier, assis sur le sol, telle une star de Rock dans son sanctuaire. Gentil le pépère mais je me permettrai de préciser : entièrement fêlé de la cafetière. Comme il possède un vieux dictaphone qu’il peut brancher à la sono, il enregistre les « p’tites chansonnettes » que j’ose commettre en guise de remerciements. « La Bamba », un air qu’il connaît et entonne d’une voix cassée de Bluesman, avec des paroles asiatiques évidemment. Cette reprise à deux balles place La Bamba au Top dans mon répertoire et détrône les « Champs Elysées ». Triste constat, non ? Joe Dassin n’a qu’à bien se tenir dans sa tombe.
Para Bailar la Bamba, Twist and Shout
Après l’enregistrement vient le dîner, servi dans la pièce principale de la maison : assis en tailleur autour de la table basse, je partage le riz, la soupe de légumes, on me pose les questions rituelles : nom, nationalité, marié,

enfants.
Je réponds sans lésiner sur les effets qui peuvent prêter à sourire, je prie le jeune « stagiaire » de traduire. Puis vient l’heure du coucher. Sur le plancher un tapis déroulé, deux couvertures et deux coussins. Je partagerai donc la même chambre que le jeune stagiaire et à quelques mètres, dorment le Petit Personnel féminin du Prêtre. Soudain un son déchire le silence. J’entends : « Para bailar la Bamba… » C’est ma propre voix, grésillante, nasillarde. Notre Old DJ Mong n’est pas allé de main morte : de sa chambre à coucher située à quelques mètres, il diffuse les chansons, à fond dans les hauts-parleurs d’une sono pourrie donnant sur la route. « Se necesito una poca de gracia ». Je ris nerveusement. « Pas de chance, hein ? » dis-je en anglais au jeune Mong. « No, no ! » me répond-il en riant à son tour. « Tu sais, chez nous, ce genre de type, passé un certain âge, entre dans la catégorie Sénil. Gâteux. Cinglé. » Différence de culture, ici quand on sent la ruine de l’âme on se fait passer pour prêtre et le tour est joué : on évite l’asile ou le mouroir. « I Know, ajoute-t-il, I know » « Plus qu’un mois de stage à tirer ! » A l’extérieur, les sons se répandent, criards. Agaçants. « Bailar la Bamba… Twist and shout »
(Twist and Shout est une Reprise nerveuse par quatre braves jeunes gars de Liverpool mais qui n’ont jamais eu la primeur d’être diffusés en Birmanie à minuit)
Toun Goo
Toungoo. Je m’y repose une nuit. Pour gagner Mandalay, je m’autorise un Joker. Il me faut gagner du temps car le visa Birman ne dure que 28 jours auxquels vous retirez 2 journées. Le temps nécessaire pour préparer les affaires et dormir non loin de mon lieu de départ. 6 jours à Yangoon contre 3 de prévus. Le programme rythmique a été décalé. Je prends alors le vieux train qui mène jusqu’à la seconde grosse ville de Myanmar. Un trajet de 9h.

Train-train pas tant que ça
7$ pour 600 km environ. Tigre Bleu inclus. Le prix est plus que raisonnable même si le confort vous durcit les fesses. C’est un train des années 60 (Je pense), la locomotive rectangulaire, jaune rouillé bordée de lignes couleur bordeau, démarre et déclame du rail en rythme cadencé : « Touc touc Coutou. Touc Touc Coutou » La rengaine sera la même durant 9h. Un son rythmique qu’on n’entend plus trop chez nous d’ailleurs. Pour les amateurs de train, un bijou que cette loco-là. Et les wagons, sièges de bois, accoudoir de fer, si je mens je vais en…

De Mong en Mong
Pour passer le temps de ce texte un peu long : collez sur votre écran des Photos: de votre tante ou de votre chien si vous le souhaitez.
Dans le train rustique mais qui fait partie de ces cases à cocher lorsqu’on visite un pays, je m’installe sur la banquette de bois, le dos bien appuyé, prêt à rédiger mon carnet 2 lorsque deux moines Mong s’assoient devant moi comme deux éventuels voisins agréables… Le plus âgé des deux, inspiré davantage par la bière que par Bouddha, envoie quelques relents de prières, m’observe d’un œil vitreux et finit par me demander mon nom, mon âge, mon pays, mon état civil : marié ou non, des enfants. Un classique. J’assouvis sa curiosité, je lui offre une boisson, un badge d’Aung San Suu Kyi. A mon tour de poser les questions : le mot qu’il griffonne sur mon carnet est un nom courant, je crois : « Nomoni ».
Quant au plus jeune, à qui j’ai confié mon appareil photo, s’appelle « givmicamra »… Ben, tiens. Et mon Tigre aussi ? Le Maître et son Paddawan insistent, lourdement. Le premier quitte sa place, vient s’asseoir près de moi et me tire la manche. Très honnêtement, l’alcool irrigue son iris bien qu’aucun énervement ne transparaisse de sa personne. En revanche, intérieurement, je bouillonne : c’est la grande différence avec nous autres européens, en Asie on se retient. Je souris, je me lève et je vais m’installer sur une banquette un peu plus loin, le regard sur mon fauve, debout au milieu de l’allée centrale, le derrière contre l’accoudoir. (Je précise que j’offre aux Moines d’habitude… l’exception fera la règle)

Dans ce même wagon, je discuterai avec un jeune étudiant et sa sœur, qui m’offriront le toit de la maison familiale : manque de bol, ils descendront bien avant Mandalay. J’aurai aussi l’obligation de sortir ma guitare et de faire chanter la moitié des voyageurs ! Des instants spontanés et heureux, de quelques minutes, qui m’ont vite fait oublié les Mong’s Brothers.

Mandalay whith "Snow"
Je me pointe au bureau du NLD*(National Ligue for Democraty), bâche rouge tendue au-dessus d’une petite boutique, des photos de la dirigeante et prix Nobel accrochés partout sur les palissades de bois. Au fond le grand lit. C’est d’abord la maison de « Snow » (retranscription phonétique confiée par son jeune voisin). Snow est une ardente militante du parti et surtout amie de jeunesse d’Aung San Suu Kyi. Arborant le T-shirt du NLD, elle me montre deux photos la représentant en tenue de danseuse à côté de la « Lady ». Ses tatouages parlent d’eux-mêmes : surtout celui sur son avant bras gauche à ‘effigie du père de Suu Kyi assassiné lors d’un coup d’état. Elle en est fière. Elle m’écoute, m’offre spontanément le gîte et le couvert pour 2 ou 3 nuits. J’allume mon ordinateur et montre quelques photos de spectacles. J’explique mes intentions de jouer pour des enfants, parle en toute simplicité de l’association qui soutient sa leader depuis la France. Snow m’offre un porte-clef, je lui donne un badge qu’elle épingle aussitôt à son t-shirt. Deux coups de téléphone après, un prêtre Mong et son chauffeur arrive en Pick-up. Tigre Bleu monte à l’arrière, je prépare mon matériel. La guitare est accordée. Direction : une école à 15 minutes.
Show chaud
Dans la salle en restauration, peu à peu, m’entourent des centaines de visages d’enfants, mêlés à ceux de jeunes prêtres, de collégiens et collégiennes éclairés d’un sourire. 400 peut-être ?
En cinq minutes, la salle se remplit et le cercle se ferme. Je démarre et deviens « Pielo dresseur de Tigre ».

Le millier d’yeux et les rires intimident Tigre Bleu, c’est vous dire ! Allez, en, selle, camarade. Je le chevauche, debout, guitare en main. Les premiers rythmes tapés le public suit. Ah ! Si j’avais eu une guitare électrique, casquette, short et cravate, je leur aurai joué « Hell’s Bells » d’AC/DC, Imaginez : l’Angus Young des Mômes, j’en ai la dégaine. Du « Rock’N’Roll, les mômes, z’en voulez ? Yeahhhhhh !  », ils adorent. Mais… je me suis retenu. Je la joue Pro sans excès. Je me suis cantonné au spectacle acoustique, vocal et visuel. Burlesque il le devient davantage. Pour cette fois, cher Tigre Bleu, je suis le plus déjanté de nous deux. Et j’en suis fier.
« Poué » (phonétique de : joke, impro)
Tiens ! Il faut que je teste un truc, j’adore ça. L’impro, c’est mon truc. Je vais ajouter pour le final un coup facile et direct : je fais apparaître de l’étui de ma guitare le portrait de la Lady. Après tout, ça n’engage que moi. Nous sommes dans un lieu à l’abri des langues de vipères. On tente ? Sur le Tigre je pose le portrait et pose humblement une rose. Un silence et des rapides chuchotements. Et là : des applaudissements. Je souris de ma c(l)ownerie. Ce portrait m’a été remis à mon départ par Pierre Martial de l’association France Aung San Suu Kyi : plus qu’un accessoire, à mes yeux, c’est d’abord une histoire.

Pas de Train-Train en Birmanie
Bien évidemment, le prêtre a vivement déconseillé à Snow de me garder sous son toit : trop dangereux pour elle si les Taupes du gouvernement, au demeurant très actives, l’apprennent. C’est évidemment la loi de la sagesse et de la prudence. J’apprends à vivre le pays par ce genre de situation. Changement de plan, on me conduit jusqu’à un hôtel. Une douche. Lessive du costume. Mandalay me voici… propre.
Ce soir, spectacle en vue… les Moustaches Brothers, un incontournable de Mandalay. Mais ce sera dans le carnet 3. Avec des kilomètres qui se transforment en Miles !


3 commentaires:

  1. ce train , quel souvenir , j'ai eu moi même le bonheur d' y circuler entre Moulmein e Yangon l'année dernière; , un vrai train de fête foraine en vrai
    mais en classe intermédiaire, les moines étaient moins embués
    j'adore ta description

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  2. Pyerrot, l'homme au mollet d'acier et au cœur de velours, apporte du rêve et du bonheur autour de toi, et n'oublie pas de nous en ramener.

    Ludo

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  3. Salut l'artiste,
    bon je vois que tu as passé plus de temps que prévus en Birmanie, comment ne pas profiter d'un si beau pays.
    Donc tu pars au Viet Nam ou je crois un piano t'attends?? mais sache que si tu ne peux pas passer voir ta chambre au Cambodge cette année, nous restons toujours a ta disposition pour de futurs venues en Asie, mais bien sur ta porte reste ouverte si jamais???????.
    Nous te souhaitons bien des choses a toi, ton Tigre et surtout tes mollets......
    Toute la famille, le staff, les animaux te couvre de bisoussssssssssssssssssssssssssssssssssss.
    Pierrot family

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