PasSage Visuel Officiel 2013

PasSage Visuel Officiel 2013
Création: Eric Pelosato

mercredi 30 janvier 2013

Carnet 2 - Bago - Toungoo - Mandalay

Illustrations originales de Sarah TEULET,
réalisées d'après les textes et photos Basse définition.
Un superbe travail à distance.


 Carnet  2

Bago Toungoo et Mandalay
Yangoon-Mandalay : 600km entre le 14 et le 25 janvier + 600 km de rails dans un Train d’Avant guerre

600km cumulés depuis mon arrivée à Yangoon. La route chauffe la gomme des pneus. Je roule. Bago. Dans la foulée je joue le spectacle pour une centaine d’enfants d’une école : « Development of Youth ». Dans l’hôtel où je dors, ma guitare fait son effet et j’ai droit à un récital. J’enregistre à mon tour mais je garde ces sons comme autant de témoignages de ce voyage. Demain, j'enchaîne 180 km. Je monte vers Mandalay
Au milieu de cette Droite longue et relativement monotone, au territoire sec, je me vois offrir l’hospitalité par un jeune Mong. La nuit approche, je pose les sacoches. Le jeune Mong est en « stage initiatique » et me fait la visite des lieux. Pieds nus. Des cailloux, ça me chatouille la voûte plantaire tandis que lui chausse des tongs. Les Tongs de Mong ou les Mong en Tong, c’est injuste mais ça rime. Repas offert en compagnie des deux femmes chargées du nettoyage et d’une jeune fille, toutes trois au service du Maître. Cette nuit-là sera l’une des plus cocasses.
Soirée Mong-(thy Py)-Tong
 Notre apprenti Mong est donc en formation auprès d’un Père Mong qui possède ce mini monastère : trois petits temples (trois bonnes petites salles de répétition) dont l’un lui est consacré, photos de sa Seigneurie sur l’autel. L’une le représentant debout et droit comme un I, visage découvert ; l’autre debout et plutôt plié comme un A vu l’âge et le visage caché. Le vieux bonhomme, cigarette à la bouche et en robe traditionnelle rouge, est enclin à me recevoir et se laisse photographier, assis sur le sol, telle une star de Rock dans son sanctuaire. Gentil le pépère mais je me permettrai de préciser : entièrement fêlé de la cafetière. Comme il possède un vieux dictaphone qu’il peut brancher à la sono, il enregistre les « p’tites chansonnettes » que j’ose commettre en guise de remerciements. « La Bamba », un air qu’il connaît et entonne d’une voix cassée de Bluesman, avec des paroles asiatiques évidemment. Cette reprise à deux balles place La Bamba au Top dans mon répertoire et détrône les « Champs Elysées ». Triste constat, non ? Joe Dassin n’a qu’à bien se tenir dans sa tombe.
Para Bailar la Bamba, Twist and Shout
Après l’enregistrement vient le dîner, servi dans la pièce principale de la maison : assis en tailleur autour de la table basse, je partage le riz, la soupe de légumes, on me pose les questions rituelles : nom, nationalité, marié,

enfants.
Je réponds sans lésiner sur les effets qui peuvent prêter à sourire, je prie le jeune « stagiaire » de traduire. Puis vient l’heure du coucher. Sur le plancher un tapis déroulé, deux couvertures et deux coussins. Je partagerai donc la même chambre que le jeune stagiaire et à quelques mètres, dorment le Petit Personnel féminin du Prêtre. Soudain un son déchire le silence. J’entends : « Para bailar la Bamba… » C’est ma propre voix, grésillante, nasillarde. Notre Old DJ Mong n’est pas allé de main morte : de sa chambre à coucher située à quelques mètres, il diffuse les chansons, à fond dans les hauts-parleurs d’une sono pourrie donnant sur la route. « Se necesito una poca de gracia ». Je ris nerveusement. « Pas de chance, hein ? » dis-je en anglais au jeune Mong. « No, no ! » me répond-il en riant à son tour. « Tu sais, chez nous, ce genre de type, passé un certain âge, entre dans la catégorie Sénil. Gâteux. Cinglé. » Différence de culture, ici quand on sent la ruine de l’âme on se fait passer pour prêtre et le tour est joué : on évite l’asile ou le mouroir. « I Know, ajoute-t-il, I know » « Plus qu’un mois de stage à tirer ! » A l’extérieur, les sons se répandent, criards. Agaçants. « Bailar la Bamba… Twist and shout »
(Twist and Shout est une Reprise nerveuse par quatre braves jeunes gars de Liverpool mais qui n’ont jamais eu la primeur d’être diffusés en Birmanie à minuit)
Toun Goo
Toungoo. Je m’y repose une nuit. Pour gagner Mandalay, je m’autorise un Joker. Il me faut gagner du temps car le visa Birman ne dure que 28 jours auxquels vous retirez 2 journées. Le temps nécessaire pour préparer les affaires et dormir non loin de mon lieu de départ. 6 jours à Yangoon contre 3 de prévus. Le programme rythmique a été décalé. Je prends alors le vieux train qui mène jusqu’à la seconde grosse ville de Myanmar. Un trajet de 9h.

Train-train pas tant que ça
7$ pour 600 km environ. Tigre Bleu inclus. Le prix est plus que raisonnable même si le confort vous durcit les fesses. C’est un train des années 60 (Je pense), la locomotive rectangulaire, jaune rouillé bordée de lignes couleur bordeau, démarre et déclame du rail en rythme cadencé : « Touc touc Coutou. Touc Touc Coutou » La rengaine sera la même durant 9h. Un son rythmique qu’on n’entend plus trop chez nous d’ailleurs. Pour les amateurs de train, un bijou que cette loco-là. Et les wagons, sièges de bois, accoudoir de fer, si je mens je vais en…

De Mong en Mong
Pour passer le temps de ce texte un peu long : collez sur votre écran des Photos: de votre tante ou de votre chien si vous le souhaitez.
Dans le train rustique mais qui fait partie de ces cases à cocher lorsqu’on visite un pays, je m’installe sur la banquette de bois, le dos bien appuyé, prêt à rédiger mon carnet 2 lorsque deux moines Mong s’assoient devant moi comme deux éventuels voisins agréables… Le plus âgé des deux, inspiré davantage par la bière que par Bouddha, envoie quelques relents de prières, m’observe d’un œil vitreux et finit par me demander mon nom, mon âge, mon pays, mon état civil : marié ou non, des enfants. Un classique. J’assouvis sa curiosité, je lui offre une boisson, un badge d’Aung San Suu Kyi. A mon tour de poser les questions : le mot qu’il griffonne sur mon carnet est un nom courant, je crois : « Nomoni ».
Quant au plus jeune, à qui j’ai confié mon appareil photo, s’appelle « givmicamra »… Ben, tiens. Et mon Tigre aussi ? Le Maître et son Paddawan insistent, lourdement. Le premier quitte sa place, vient s’asseoir près de moi et me tire la manche. Très honnêtement, l’alcool irrigue son iris bien qu’aucun énervement ne transparaisse de sa personne. En revanche, intérieurement, je bouillonne : c’est la grande différence avec nous autres européens, en Asie on se retient. Je souris, je me lève et je vais m’installer sur une banquette un peu plus loin, le regard sur mon fauve, debout au milieu de l’allée centrale, le derrière contre l’accoudoir. (Je précise que j’offre aux Moines d’habitude… l’exception fera la règle)

Dans ce même wagon, je discuterai avec un jeune étudiant et sa sœur, qui m’offriront le toit de la maison familiale : manque de bol, ils descendront bien avant Mandalay. J’aurai aussi l’obligation de sortir ma guitare et de faire chanter la moitié des voyageurs ! Des instants spontanés et heureux, de quelques minutes, qui m’ont vite fait oublié les Mong’s Brothers.

Mandalay whith "Snow"
Je me pointe au bureau du NLD*(National Ligue for Democraty), bâche rouge tendue au-dessus d’une petite boutique, des photos de la dirigeante et prix Nobel accrochés partout sur les palissades de bois. Au fond le grand lit. C’est d’abord la maison de « Snow » (retranscription phonétique confiée par son jeune voisin). Snow est une ardente militante du parti et surtout amie de jeunesse d’Aung San Suu Kyi. Arborant le T-shirt du NLD, elle me montre deux photos la représentant en tenue de danseuse à côté de la « Lady ». Ses tatouages parlent d’eux-mêmes : surtout celui sur son avant bras gauche à ‘effigie du père de Suu Kyi assassiné lors d’un coup d’état. Elle en est fière. Elle m’écoute, m’offre spontanément le gîte et le couvert pour 2 ou 3 nuits. J’allume mon ordinateur et montre quelques photos de spectacles. J’explique mes intentions de jouer pour des enfants, parle en toute simplicité de l’association qui soutient sa leader depuis la France. Snow m’offre un porte-clef, je lui donne un badge qu’elle épingle aussitôt à son t-shirt. Deux coups de téléphone après, un prêtre Mong et son chauffeur arrive en Pick-up. Tigre Bleu monte à l’arrière, je prépare mon matériel. La guitare est accordée. Direction : une école à 15 minutes.
Show chaud
Dans la salle en restauration, peu à peu, m’entourent des centaines de visages d’enfants, mêlés à ceux de jeunes prêtres, de collégiens et collégiennes éclairés d’un sourire. 400 peut-être ?
En cinq minutes, la salle se remplit et le cercle se ferme. Je démarre et deviens « Pielo dresseur de Tigre ».

Le millier d’yeux et les rires intimident Tigre Bleu, c’est vous dire ! Allez, en, selle, camarade. Je le chevauche, debout, guitare en main. Les premiers rythmes tapés le public suit. Ah ! Si j’avais eu une guitare électrique, casquette, short et cravate, je leur aurai joué « Hell’s Bells » d’AC/DC, Imaginez : l’Angus Young des Mômes, j’en ai la dégaine. Du « Rock’N’Roll, les mômes, z’en voulez ? Yeahhhhhh !  », ils adorent. Mais… je me suis retenu. Je la joue Pro sans excès. Je me suis cantonné au spectacle acoustique, vocal et visuel. Burlesque il le devient davantage. Pour cette fois, cher Tigre Bleu, je suis le plus déjanté de nous deux. Et j’en suis fier.
« Poué » (phonétique de : joke, impro)
Tiens ! Il faut que je teste un truc, j’adore ça. L’impro, c’est mon truc. Je vais ajouter pour le final un coup facile et direct : je fais apparaître de l’étui de ma guitare le portrait de la Lady. Après tout, ça n’engage que moi. Nous sommes dans un lieu à l’abri des langues de vipères. On tente ? Sur le Tigre je pose le portrait et pose humblement une rose. Un silence et des rapides chuchotements. Et là : des applaudissements. Je souris de ma c(l)ownerie. Ce portrait m’a été remis à mon départ par Pierre Martial de l’association France Aung San Suu Kyi : plus qu’un accessoire, à mes yeux, c’est d’abord une histoire.

Pas de Train-Train en Birmanie
Bien évidemment, le prêtre a vivement déconseillé à Snow de me garder sous son toit : trop dangereux pour elle si les Taupes du gouvernement, au demeurant très actives, l’apprennent. C’est évidemment la loi de la sagesse et de la prudence. J’apprends à vivre le pays par ce genre de situation. Changement de plan, on me conduit jusqu’à un hôtel. Une douche. Lessive du costume. Mandalay me voici… propre.
Ce soir, spectacle en vue… les Moustaches Brothers, un incontournable de Mandalay. Mais ce sera dans le carnet 3. Avec des kilomètres qui se transforment en Miles !


vendredi 18 janvier 2013

Carnet 1 - Rangoon et le spectacle

Carnet 1 – Rangoon
(Illustrations originales de Sarah Teulet, réalisées d'après les textes et photos envoyés en Basse définition.Un superbe travail à distance)
« Deux amis
Vivaient au Vélomotapa
L’un ne possédait rien
Qui n’appartint à l’autre.
Les amis de ce pays-là valent bien
Dit-on, ceux du nôtre. »

A l’ami Philippe Châtelain

Chronologie de ce nouveau périple en Myanmar
Samedi 12 janvier, le compte à rebours était plus que donné : photo sur l’esplanade du Trocadero, plein vent, grand froid et la pluie : « départ pluvieux, voyage heureux » me suis-je exclamé devant Pierre Martial, écrivain, journaliste et président de l’association franco-birmane pour le soutien de la Dame de Rangoon. (Si vous ne savez pas quoi faire de vos jeunes, moyens ou vieux jours, que vous vous sentez un brin sensible aux douceurs de ce pays, allez-y, contactez cette association et proposez vos services artistiques ou autres)

Dimanche 13 janvier, les deux sacoches de vélo à la main, j’arrive à l’aéroport Charles de Gaulle dans ma panoplie unique de Vététiste : aucune marque, juste un pantalon cycliste long et noir avec deux franges orangées, et enfilé dessous : le court qui fera les deux mois et le spectacle. Noir lui aussi. L’avantage du noir est l’aspect propre qu’il peut garder malgré la tonne de poussières dessus. Quant au Tigre, il se camoufle dans sa combinaison rose fluo en plastique, et disparaît dans la soute de l’avion. Sans broncher cette fois : tout se passe rapidement, sans avoir à l’endormir. Décollage à midi.
Lundi 14 janvier, 11h. Arrivée à Rangoon. Un calme olympien, pas étonnant : le temps de libérer le Tigre de sa peau protectrice, de lui resserrer les cornes sur le guidon et de remonter sa roue avant, de me laver les mains, les rabatteurs ont disparu du hall de sortie.

Et à 13h, l’Institut Français. Mon Tigre a de l’humour. Parce que…

Mon Tigre a de l’humour
(Pas  de photo pour illustrer le texte suivant, juste à sauter si l'on n'aime pas les dialogues)
Après 17h de vol, 15 km enchaînés sur la Pyay Road qui me mène droit vers le centre de la capitale, heureux hasard, l’Institut Français se trouve sur mon chemin. Guitare dans le dos, trempé, je pénètre dans une première cour. Sous un préau je laisse Tigre sans attache : « Tu restes là, tu ne rugis pas. C’est un Rendez-Vous important, pas d’extravagance. »

Je l’entends grincer du pédalier. Je le reprends d’un doigt sur la bouche. « Chut ! » Puis je m’avance dans la seconde cour : une tablée de dix jeunes personnes ont terminé leur repas et derrière un bar, deux serveurs.

« Madame Rose-Marie X*(*Nom ré-inventé), please », je leur demande un peu gêné d’arriver en fin de déjeuner. L’un des serveurs quitte le bar et se dirige vers la table. Aussitôt Rose-Marie se lève, souriante et s’approche. Je me présente, poliment de la part de Pierre Martial. Les yeux de Rose-Marie se lèvent vers le ciel, elle réfléchit : pas bon signe. Mais je poursuis mon explication quant à l’objet de ma venue à l’Institut Français.
« Ah, lâche-t-elle poliment. Ce n’est pas moi qui m’occupe de cette partie-là. Il faudra voir cela avec Mademoiselle « A ». (Je l’appelle A comme j’aurais pu la nommer « Rolande »). Nous sommes en plein calcul des budgets, poursuit Rose. Ces dix prochains jours sont les plus difficiles. Il faudrait prendre rendez-vous avec A.
-         Oui, bien sûr.
-         Je reviens. »

Rose-Marie recule alors de cinq pas, penche la nuque et s’adresse à une jeune femme, assise sur son siège, les bras ballants. La chaleur, il est vrai, est étouffante. Surtout après 15km de vélo et sans la monnaie du pays pour acheter une bouteille d’eau. Rose-Marie revient près de moi en cinq frétillantes enjambées :

« Pas avant jeudi, ça vous convient ? »

Je réfléchis à mon emploi du temps serré : 4 semaines pour traverser la Birmanie tout en donnant des spectacles, cela me paraît un peu juste si cela n’aboutit à rien. Je tente alors une réduction du temps de travail :

« Avant, ce n’est pas possible ?

Rose-Marie, tout aussi poliment, retourne cinq pas en arrière et se penche de nouveau vers la même personne, susurre et revient très vite :

« Non, elle me confirme que non, envoyez-lui par mél ce que vous proposez, un dossier. Ce sera plus simple »

« Plus simple ? me dis-je. Ah ! Parce que c’est… »… je coupe le son. « A » est donc cet étrange dos qui me toise de ses omoplates ? Je reste courtois. Et j’entends alors un rire déchaîné : un dérailleur qui feule. « Tais-toi, Tigre ! »

« Je vous dis à jeudi ? m’interroge Rose toujours très poliment.
-         Non, je ne pense pas, je réponds calmement. Merci de m’avoir accueilli et désolé de vous avoir dérangé. Au revoir et bonne semaine. »
Lorsque j’ai repris le Tigre en main, celui-ci gloussait. « Un rendez-vous important… » semble-t-il me dire. « Tais-toi ! » Que voulez-vous, cette Bête à deux roues a le sens de l’humour : les chiens ne font pas des chats. Encore moins des carpes !

 (Photo à gauche: au Bureau du NLD de Yangoon, avec Monsieur U Wyint Minh, directeur d'un nouveau Journal: Thamaga News)

A droite, toute !
Mardi 15. Après une nuit récupératrice dans un modeste hôtel du quartier Chinois, je consacre ma journée à découvrir Rangoon, capitale en voie de surconstruction. C’est la course au logement. On a construit d’abord du mastoc. A tel point que la surenchère du Moderne défigure les anciens quartiers. Parcourues la nuit, certaines ruelles au passé colonial en complète décrépitude, rappellent La Havane. Quant à l’ambiance générale, je suis bien dans cette Asie colorée, bruyante, animée et fluide. A vélo, je me faufile déjà entre les voitures et les klaxons. Je m’éclate à vrai dire. Un détail : leur volant est à droite et la conduite birmane est à droite ! Cherchez l’erreur. Mais c’est ainsi depuis une loi décrétée par un Militaire au pouvoir, superstitieux et de la gauche et de la pratique automobile. L’angle de vue des chauffeurs est donc « limite ». Il n’est pas étonnant qu’on vous frôle la fesse gauche.

Interlude
Je coupe le Carnet pour une dépêche qui m’arrive via-Facebook :

« DERNIERE MINUTE: Samedi, Pierre Martial, Président de France Aung San Suu Kyi, a donné le top départ, à partir de la place du Trocadéro à Paris, aux pieds de la Tour Eiffel, de l'Opération “La Birmanie à vélo”!

Lancement de l'opération “La Birmanie à vélo” par France Aung San Suu Kyi, à l'initiative de l'artiste de rue et globe-trotter humanitaire Pyerrot Prest


« C'est un doux rêveur comme nous les aimons! Un électron libre, un fou d'amour, un artiste nomade, un Buster Keaton à bicyclette, un Charlot à vélo!
Membre de France Aung San Suu Kyi et fondateur de la compagnie théâtrale Lavifil, Pyerrot Prest a décidé de traverser toute la Birmanie à vélo en donnant, à chacune de ses étapes, dans les rues ou sur des scènes de fortune, des spectacles de mime, pour les petits et pour les grands.

“J'aime apporter de la joie, faire rire et sourire, voir les yeux des enfants s'éclairer et ceux des plus grands s'étonner”, explique-t-il.

Ces dernières années, Pyerrot Prest a déjà traversé ainsi le Vietnam, le Cambodge et le Laos et il a chanté et apporté du bonheur aux enfants des rues et aux populations les plus défavorisées de ces pays.

Cette année, c'est la Birmanie qu'il va sillonner, d'un bout à l'autre du pays, à la découverte de ce fameux “réveil birman” et de ce peuple qui attend depuis si longtemps qu'on vienne le rencontrer, le soutenir et le découvrir. Il sera armé de son seul vélo, de sa guitare et d'un portrait d'Aung San Suu Kyi. Et à chacune de ses étapes, il jouera la comédie, dansera autour de sa bicyclette et jouera avec les enfants. Tout cela toujours gratuitement bien sûr. Et solidairement. Il dormira où il pourra. Il part à l'aventure. Comme il aime. Sans rien programmer à l'avance et en faisant confiance au destin, aux rencontres et à la chaleur humaine.

C'est sur la Place du Trocadéro, à Paris, sur le Parvis des Droits de l'Homme, face à la Tour Eiffel, que Pierre Martial a donné, au nom de France Aung San Suu Kyi, qui soutient l'opération de tout coeur, le signal de départ de cette drôle et émouvante expédition.

Le lieu n'avait pas été choisi au hasard car c'est là que les militants français et birmans se sont si souvent retrouvés au coude à coude, ces dernières années et qu'ils continuent de s'y rassembler régulièrement pour soutenir Aung San Suu Kyi et faire avancer toujours plus la démocratie en Birmanie et dans toute l'Asie. »

Eh bien ? (Acceptez que je fasse un silence après cette lecture. Pourquoi ? Pourquoi ? Mais parce que… j’ai la pression. Tout naturellement.) Sans me rendre compte, j’ai dressé la barre et morale et physique haut. Quoi qu’il advienne, l’aventure commence fort, les kilomètres en spectacles et les rencontres artistiques devront se faire, au millimètre près, dans la bonne humeur. Sans trop serrer les dents !

Fin de l’interlude. Reprise du Carnet
En toute complicité, Sarah (Teulet) choisira certaines photos de ce périple, envoyées avant la parution de chaque carnet et accompagnées d’un texte court ; photos qu’elle ré-inventera en fonction de son ressenti d’artiste peintre et illustratrice. Je sais d’avance que le résultera fera pâlir les clichés originaux. Et l’interactivité entre le récit du voyage et l’interprétation par Sarah dynamisera le Blog, ces Carnets d’un Rêvaliste.

« Trouver la clef » pour entrer dans ce pays est une circonlocution trop simpliste. Car encore faut-il se trouver devant la bonne porte ! Et pour comprendre la Birmanie, rien de plus « simple » que de s’asseoir et observer. Sans rompre la chaîne des sons qui en douceur vous enveloppent l’esprit, sans forcer de portes puisque celles-ci sont toutes ouvertes à l’étranger. Les Birmans sont de nature curieux, ils apprécient votre présence, elle les rassure. Peut-être.

Le Césame reste d’abord l’intime conviction que l’on a à se fondre dans le paysage, au milieu de ses visages souriants. Vous devenez celui qui contemple sans être repérable… Mal barré avec l’espèce de jupette que l’on m’oblige à porter, pour cacher le short cycliste. Ma dégaine créée le sourire auquel je réponds par le mien. Que voulez-vous, j’ai le sens de la dérision. Heureusement que Tigre Bleu ne m’a pas vu !



Shwedagon la coupole dorée
(Oh, les jolies prises de vue, chouette, n'est-ce pas?) Une promenade circulaire vous fera découvrir les différents temples de ce Haut lieu bouddhiste de Rangoon : un dôme doré à crever le ciel. Essayez de le fixer plus de 10 secondes sans cligner des yeux ! Après avoir grimpé l’escalier abritant vendeurs de bibelots et de boissons, vous arrivez au cœur de la cité : ça brille, ça envoie, ça déborde de couleurs, de statuettes. Allez, hop ! Pour les adeptes, gymnastique matinale : on prie, génuflexion. On bénit des mini Bouddha, mouvement des bras. On incante, très bon pour la gorge. On brûle des bougies, dextérité des mains. On se met en forme spirituelle pour toute la journée et plus, si le vœu est exhaussé. Tout me paraît si paisible et le temps fluide glisse entre vos mains. Mon œil se concentre sur ces rituels, essayant de me souvenir de chaque geste, de chaque ambiance, du visage de chacun, avec l’envie d’être le reporter des instants.

Un Tigre éveillé
Bien sûr que la Dame de Rangoon n’a pas besoin d’un gardien pour la protéger mais ce mercredi matin, Tigre a eu… un comportement. Point. Comme s’il avait senti le fauve enfoui dans son cadre bleu se réveiller. C’est bien simple : depuis que ce vélo a été remodelé techniquement par les périples précédents : les pédales du Vietnam, le dérailleur de Phnom Penh.., j’ai l’impression qu’il est habité par un je-ne-sais-quoi de mystérieux. De vivant. Avant que vous ne me jugiez comme définitivement demeuré catégorie Irrécupérable, je vous relate les faits. Tandis que je me rends au bord du lac Inya, je perds tout à coup le contrôle du guidon. Plus surprenant, les 27 vitesses s’enclenchent les unes après les autres sans que j’aie à lever le petit doigt ; les pédales tournent seules sans que je fournisse le moindre effort. Crocs et griffes sortis, de zigzag en virage serré, le vélo déjanté fonce à vive allure. Quand j’ouvre les yeux, je me retrouve devant un portail rehaussé de barbelés : je reconnais la maison d’Aung San Suu Kyi. Une histoire de plus, me direz-vous. « Objet inanimé, avez-vous une âme ? ». Non. Catégoriquement NON… sauf lui.

Fermez les yeux et imaginez la photo prise sur les lieux, que je garde comme unique preuve de ce singulier épisode cycliste.

Le spectacle : PasSage
A l’aéroport de Kuala Lumpur, une simple discussion avec une passagère à bord du même avion, Olivia "la Corse", m’a enrichi d’une adresse où je pourrais trouver des pianos! Et le Mercredi soir, je jouais pour l’Ecole de musique Gitameit Music School, piano sous la main. Ici, dans cette école, des étudiants y trouvent Prof et aussi un lit. Le Directeur enchanté, pour le lendemain, me propose de jouer le spectacle à l’école du Monastère. 300 enfants le lendemain jeudi. J’accepte. Bonne reprise dans une ambiance et un accueil chaleureux. « Pielo » le personnage se distingue à présent du spectacle « Adulte » et prend ses marques et de l’assurance ! « PasSage » c’est du « Multi Style », un spectacle multi carte, multi terrain, multi jeu, multi piste, multi rencontre : multi passe. Après la prestation, les accessoires rangés, je discute. Carte du pays au sol, entouré de prêtres Mongs et de professeurs et responsables, j’élabore mon parcours. Echange d’adresses mel, d’informations, je suis loin de l’accueil de l’Institut Français.


Prochaine Destination : Lago
Après un tour au Bureau Officiel du Parti d’Aung San Suu Kyi, deux rencontres : Monsieur U Win Myint, directeur du journal THAMAGA et Catherine Griss, photographe. Elle se trimballe avec des tonnes de sacs remplis d'appareils photos. Et son vice: vider les frigidaires pour mettre ses pellicules photos au frais! Merci pour le Plan Hôtel dont je tairai le nom... comme promis.

Lieux des spectacles et autres « petits dérapages artistiques »

Rangoon
-          Nord Est de Rangoon : quartier Yadanar, au bout de la rue Kanbe, Gitameit Music School
-          Pagoda Myin Tha Myo Do. Moastic Education and Youth Developement School
-       Coup de pub avec Tigre Bleu, costume et guitare, devant le Bureau Officiel du NLD avec photographe reporter
Bago
-          Monastry Ban Chang Kuung
Pyu
Quartier Général du NLD. Chansons autour d’un thé puis d’une complète collation

Nombre de kilomètres depuis l’arrivée à Rangoon : 515 km

Musiques écoutées : AC/DC, Karpatt, Muse, Gonzales, Arno, Beatles…

Techniquement cycliste: un câble de dérailleur foutu et changé près du lac Inya à Rangoon... j'ai connu pire comme décor.