PasSage Visuel Officiel 2013

PasSage Visuel Officiel 2013
Création: Eric Pelosato

jeudi 21 février 2013

Carnet 4 - Tigre Bleu est en Vedette Birmane

Un Tigre en vedette

Déplacement géographique : Lac Inlé, Kalaw et retour à Yangoon. Au total 2000 km et 10 spectacles en 1 mois.

Musiques, à fond les gamelles sur les routes : AC/DC, « Back In Black », « Highway to hell »… Très bon pour les changements de rythme.

Au-delà d’un spectacle de rue ou de salle encadré pour la Compagnie Lavifil, c’est d’abord l’envie d’apporter ma modeste contribution artistique à la politique menée sur le terrain par les membres et proches de la Lady. Ce voyage a donc pris une autre tournure, un autre rythme et un autre visage. Sans répit, les propositions de jouer le spectacle sont arrivées plus rapidement que d’habitude, ce malgré les interdits gouvernementaux puisque le bouche à oreille fonctionne allégrement. Depuis mon départ l’association France Aung San Suu Kyi m’apporte son soutien ; sur place le réseau du NLD contribue à cette précipitation. De ce fait, le Tigre a vu sa course ralentie mais la bête a joué le jeu sans rechigner. D’ailleurs sa présence est devenue essentielle pour « PasSage ».

Poussière de piste
Jamais plus de trois jours sans avoir à sortir le costume. En revanche, dès que les affaires sont lavées, séchées et rangées, le pédalier s’emballe et la course aux paysages autour du Lac Inlé et les pneus se couvrent de la poussière des pistes.

Niché entre deux chaînes de montagnes, le lac Inlé s’étend sur près de 22 km. Réserve d’eau douce et centre névralgique de toute une région à l’ouest de Mandalay : pêcheurs, industrie et tourisme se partagent la même richesse.

Située au Nord Est de Yangoon, Nyaugshwe a toutes les caractéristiques des villes de montagnes réputées. Du tourisme culturel, des bus de Tamalous, des trekkeurs.
Le soir, bonnet de rigueur. Coupe vent et pantalon ressortent du sac : la température baisse jusque 14°. Tandis que la journée, le soleil me rougit le nez. Pas de NLD à l’horizon. Une école mais aucun véritable contact. Je n’insiste pas. La pause s’impose. Je profite de la richesse de cette ancienne cité impériale, de ses rues aérées pour visiter, pédaler, lâcher mon fauve en pleine nature. Deux paysages vous régalent : celui du bord de lac et celui tout autour. Je chevauche leTigre Bleu un poil orangé et me lance sur la rive droite jusqu’au village de « Hindaï ». Le lendemain, j’offre un tour de bateau – un aller simple jusqu’à la pagode et le village lacustre avec Tigre et retour par la rive droite.

Quatre jours de balades, une bouffée d’oxygène. Un coup de téléphone à Monsieur Win Myint à Yangoon va accélérer le départ…

Retour à Yangoon
« Allô? When ? In 3 days ? Ok… So, I take the bus and I come ! »
(Traduction: Allô ? Quand? Dans 3 jours? Bien entendu et avec tous mes respects et je vous donne mon accord. Bien, je détourne un bus de Touristes, un train ou un char de l’armée et j’arrive.)

Tigre Bleu râle. Il me fait très bien comprendre que franchir un dernier petit col de montagnes serait une très bonne chose pour sa fierté. J’accepte et je calme aussitôt son ardeur. Mais ce ne sera pas sans contrepartie… A l’aube du cinquième jour, je file en direction de Yangoon. Kalaw sera l’étape finale.

Kalaw
Au New Shina Hôtel, je pose les bagages et je pars à la recherche de la NLD Office. Le bâtiment se trouve à une centaine de mètre de l’hôtel, sur une butte. On y accède par un large escalier, en longeant ensuite une étroite route. Je découvre une maison birmane tout en bois où sont suspendues les images du général Aung Sen et de sa fille Aung San Suu Kyi. La bâtisse abrite une classe pour des cours particuliers. Au total cinq élèves et son institutrice y travaillent l’anglais. Celle-ci m’accueille chaleureusement (cela devient un euphémisme) et me propose de jouer le lendemain pour l’école dans laquelle elle enseigne. Y jouer sera l’une de mes meilleures expériences !

L’école de Kalaw
Si « PasSage » a évolué, il me permet d’être suffisamment à l’aise pour l’avant et l’après spectacle. Au bout de la cours d’école, une salle et une scène rustique. J’installe le Tigre au centre et donne le signal : les portes s’ouvrent et c’est près de 350 élèves : enfants, collégiens et lycéens confondus qui s’installent sur le plancher. Le spectacle se passe finalement vite. Lorsque les derniers spectateurs disparaissent, la directrice et son équipe m’invitent à venir boire un thé dans la salle de professeurs. Une dégustation de petits gâteaux s’ajoutera.

Une discussion (en anglais) sur l’éducation en Birmanie et sur les difficultés rencontrées étoffera la petite collation. Notre directrice m’avouera que mon « PasSage » est le premier spectacle de sa vie… Je ne dis rien, je suis gêné, je souris. L’équipe m’offre une serviette éponge. « Ce sera toujours utile pour votre voyage et c’est facilement transportable ».

Merci à toute cette équipe. J’espère les revoir une prochaine fois avec un spectacle plus ambitieux. Un piano ?

U Win Myint
U signifie Monsieur. U Win Mynt, la soixantaine, est un homme dynamique d’assez petite taille, au visage rond, les cheveux blancs toujours bien coiffés, la paire de lunettes plaquée contre des joues de bon mangeur, le sourire asiatique d’une constance irréprochable. Comme tout Birman qui respecte la tradition, il ne porte pas de pantalon mais le laungui, large tissu bariolé de petits carreaux verts serré autour de la taille.

Cet homme surgit de partout. Responsable Editeur du journal d’opposition Thamaga News, il semble connu comme le loup blanc et respecté par les personnalités du NLD.

Ci-dessous, danse birmane en l'honneur de Tigre Bleu... ou d'ASSK

Il va généreusement m’inviter au restaurant puis il se transformera en guide de Yangoon. Dans les bureaux du Thamaga News, il surgit de derrière une pile de journaux, l’air jovial. Le dernier soir dans la capitale, une balade quasi familiale au bord du lac Ynia et la découverte de l’ambiance des restaurants pour birmans. Je serai le seul étranger à y être assis. Une discussion sur l’éventuel retour. Les idées fusent. Monsieur Win Myint, depuis notre première rencontre, s’est positionné comme un conseiller… et ses conseils seront nécessaires.

Yangoon, entre "Favella"locale et Moins Favella, toujours l’hospitalité !
Lors de mon coup de fil dans l’hôtel de Inlé Lake, Monsieur Myint me propose de jouer pour deux écoles très différentes. La première se situe dans une « Favella », soutenue par ASSK. La seconde dans un quartier populaire :

2 spectacles qui me font perdre quelques litres, 2 accueils chaleureux par l’équipe des professeurs volontaires (bénévoles). Tigre Bleu aura droit à une danse autour de lui. S’il ne franchira pas les 4000 km en Asie, il n’en est pas moins devenu une bête de scène : son nom est cité dans le journal.

De plus, la  photo ci-dessous connaît un certain succès « symbolique » chez les birmans : sur son cadre, Tigre Bleu porte le visage de la fille sous les yeux du père. Je rappelle que je ne suis qu’un « Joker » et non un photographe.

Dernières mises au point avant un retour prochain
Avant de prendre l’avion pour le Vietnam, je repasse au Bureau de NLD, où mon aventure a commencé il y a un 40 jours. Je demanderai à Mademoiselle « Valentine » de  m’accorder avec sa maman un dernier sourire et de poser sous le regard de Aung San Suu Kyi. Photos réussies.

Je passerai au bureau du journal Thamaga. La dernière tasse de thé chinois (lait et sucre) avec le reporter Nan Dose. Un cadeau : l’article de presse me concernant.

Monsieur Win Myint me promet de remettre une lettre manuscrite ainsi que les musiques originales enregistrées à celle dont on ne tait plus le nom en Birmanie.

Le périple birman s’achève géographiquement
et laisse place au Vietnam.

mardi 12 février 2013

Carnet 3 - Mandalay Bagan

           CARNET 3 – De Mandalay à Bagan
Mandalay et ses Moustaches Brothers
Ils sont trois comme les autres Brothers. Ils ne s’appellent pas Groucho, Chico et Harpo mais Lu Maw, Lu Aw et Par Par Lay. Ils sont connus dans le pays et dans le monde comme des résistants facétieux et satiriques au Gouvernement. Par Par lay a écopé d’un certain nombre d’années de prison pour outrage contre la junte militaire. Sous la pression internationale, Par Par Lay a vu sa peine écourtée et a été libéré en 2009. Les deux autres frères soutenus par leurs épouses et sœurs des épouses ont poursuivi le spectacle. Bref ! Découvrez une famille et des artistes qui se serrent les coudes.

Un simple rideau de fond vert, une scène montée sur des briques, un tapis, une sono qui crachote, un micro à fil, un écran de télé… Vous êtes chez eux. Dans un grand garage, bien installé. Leur spectacle mêle leur vécu et déboires, et rappelle leur amitié profonde avec Aung san Suu Kyi, (un extrait video nous la montre en train de rire aux éclats). Vous y trouverez de la vanne, des chansons, de la danse traditionnelle, le tout à la sauce cabaret. « Vaudeville » est le terme qu’emploie l’un des trois frères. Si le public est constitué essentiellement d’étrangers, les trois lascars ont su s’adapter leur spectacle… en anglais.
Allez, passez les voir. Si vous n’avez pas vu les Moustaches Brothers, vous n’avez rien vu de Mandalay… C’est un peu leur slogan. C’est tous les soirs à 20h00. Road 80/81 Street 39. A vélo, c’est très simple : une grande ligne droite depuis le centre.

Par Par Lay déchaîné 

Vers Bagan et ses temples   (« Stupa »)
Jeudi 18, vendredi 19 : Mandalay – Minchang – Bagan

Je déteste le « Miles », cette unité qui se prétend supérieure au kilomètre et vous rend les mollets en feu. Je soupçonne les Anglais de l’avoir fait exprès, histoire de nous casser les jambes après leur colonisation. Le Miles aurait tendance à rendre la route plus difficile. D’autant plus que d’un indicateur birman à un autre, la distance s’allonge et en Miles, ça compte quasi-double (1,8… plus les frais de coup de pédales et la fatigue inhérente). Ce qui m’a valu d’ailleurs une suée froide et un abattement et moral et physique en pleine montagne, avant Bagan.

La énième séance émotion, nécessaire pour garder la crédibilité du Casse-cou… malheureusement.

On le sait, on a beau faire des pieds, des mains et de la tête : le problème arrive tout le temps quand on ne s’y attend pas. C’est dans la grande tradition des voyageurs adeptes du Hors-Circuit.

« 1 kilomètre à pied, ça use, ça use », vos connaissez tous et toutes la chanson. Mais en Miles, combien ça fait ? Eh bien ! c’est deux fois pire. Vous multipliez donc par 1,8 le temps de selle. L’heure ne change pas. Au cadran : 16h. Puis 17h. Encore 2 heures pour éviter la route de nuit. Lorsque le soleil baisse, le terrain monte. S’il descend, c’est avec la température : la fraîcheur de l’altitude, une route à gruyère – comprenez pleine de trous, une nuit qui chasse la lumière… Les phares des scooters, slalom entre deux klaxons de bus… Bagan se fera désirer. 220 km en 2 jours, avec des grimpettes à 17 km/h seulement. Du 7h du matin jusqu’à… épuisement. Heureusement, les expériences précédentes me libèrent d’un tas de paramètres, tel que rester concentré malgré la fatigue. Garder une moitié de fesse posée sur la selle pour éviter, en cas de rebond, de perdre les pédales, de se retrouver les jambes écartées dans le vide, rivé au guidon comme une grenouille… et finir dans un fossé.



Des Miles=Des Plombes
Le lendemain, petit déjeuner et c’est reparti. Bagan sera la prochaine ville. Plus que 50 miles : 80 km… 85… 87… 90.

Bagan, enfin !
Bagan, site impressionnant, incontournable pour un Tigre en recherche de liberté. De la balade au milieu des centaines de temples qui dressent leur dôme doré vers le ciel bleu écrémé de nuages blancs.

Deux routes principales vous amènent aux différentes Pagodes et Stupas, avec pour point de départ Nyaung Uu. Une voie vous amène à « Old bagan » et à « New Bagan ». Nyaung UU me paraît « limpide » : ses commerces, ses restau, ses hôtels, ses calèches, ses écoles… J’y établis mon QG pour 4 nuits.

Temples de briques rouge clair, coiffés d’une cloche dorée, spectacle unique au milieu d’une terre sableuse. A l’intérieur, des espaces plus ou moins grands dédiés à Bouddha. Les statues se tiennent à l’ombre, ils veillent aux indolents voyageurs venus chercher la fraîcheur d’un je ne sais quel tombeau de leur cœur, de leur âme, de leur foi. Autant de temples que je laisse dans mon appareil photo et ma caméra et quitte, pour enfoncer mes pneus au milieu de la piste ensablée et brûlante.

Je me rends à l’Office du LND de Nyaung UU. Aussitôt ses représentants me proposent un lieu : un lycée, pour jouer le lendemain mon spectacle. Suite à un manque d’argent liquide me contraignant à écourter mon séjour à Bagan (Distributeur pour carte Visa en panne), je leur demande s’il leur possible de m’héberger une nuit supplémentaire… C’est réglé en deux coups de fil.

Spectacle et discussion
Le lendemain, le spectacle aura également son effet avec la « Cerise » sur le gâteau : le portrait. Les lycéens applaudissent. A la demande des professeurs, je termine par un débat sur la politique actuelle birmane. Très intéressant, d’autant que je ne m’affirme qu’en tant que « Joker »… anti-abrutis. Les lycéens me posent des questions sur la vision qu’ont les français de leur pays, d’Aung San Suu Kyi.

« Votre spectacle est bon, êtes-vous ambitieux ?
-         Non. Ma seule ambition est de faire rire.
-         En quoi croyez-vous ?
-         Je crois en l’éducation, en l’art. Un pays sans artiste libre de s’exprimer n’est pas un pays de liberté. Mettez dehors les anciens militaires accrochés au pouvoir, à votre gouvernement. Gardez confiance, soyez courageux, étudiez.
-         Avez-vous en France une personne politique comme Suu Kyi ?
-         Non. Elle est exceptionnelle. Elle correspond à un moment de l’histoire de la Birmanie. Vous avez de la chance de l’avoir. Elle est unique mais elle n’y arrivera jamais seule. »

Autant dire qu’ils l’adorent et qu’ils en sont fiers.

J’aurai le devoir de faire une démonstration de… danse. « Hein ? Well… One Rock’n’Roll ? – yes ? » Allez, je me transforme en modeste professeur de Rock Tout Doux. Mettez-vous deux par deux, face à face, c’est parti. Les birmans sont d’un naturel timide. Aborder un partenaire pour danser est précédé de sourire gêné et de contorsion corporelle amusante. Je donne quelques directives. Accompagnement à la guitare par l’un des professeurs : et hop ! C’est parti durant 20 minutes. La Tong n’est pas la meilleure chaussure pour exécuter des pas de danse en rythme. Les Teenies s’éclatent ! Dans la foulée, j’aurai droit à une danse traditionnelle offerte par une jeune élève, au rythme des deux cents mains de ses camarades, puis ce sera l’hymne de Bienvenue de la région de Bagan. Je vous assure que, lorsque près de cent « bacheliers » vous chantent avec leur tripe : l’émotion vous monte aux yeux. Ces « inattendus » résonnent encore aujourd’hui dans mon cœur comme une récompense. C’était mon Vélo d’Argent. Un moment intense et, j’ajoute, décisif pour mes futurs voyages. Grâce à ces instants spontanés et chaleureux, je sais un peu mieux pourquoi je voyage en spectacle et propose un échange culturel et artistique.

Ne jamais s’endormir sur ses acquis, la route doit reprendre : Tigre n’est plus bleu aux touches orangées, il est ocre et terreux. Un bon coup de jet d’eau ne lui fera pas de mal et un peu d’huile.

Puisque tout est « sous surveillance », je serai logé dans une guesthouse locale dont je tairai le nom : pour cause, c’est très bien et c’est « bon marché », rempli par les locaux.

Prochain et dernier carnet sur la Birmanie :
Lac Inlé et Yangoon


Info: Vous pourrez écouter le passage radiophonique sur : "Allô La planète", réalisé par Eric Lange, Anneka, Nico et toute l'équipe. C'est sur le Mouv, (Radio France). Interview du 13 février. Sur le site internet du Mouv/Radio France/ Allô La Planète.

Ce n'est pas fini car pour les Lorrains:
Dès ce lundi 18 février et durant la semaine, un Carnet de voyage de 2 minutes, La Birmanie avec Tigre Bleu et votre Joker-serviteur, ce sera sur France Bleue Lorraine (Nord/Metz...) à 17h15 ou 17h20. Merci à Marc et Philippe de Radio France.